jeudi, mars 02, 2006

Shadow of the Colossus

Plus de quatre ans après avoir marqué les esprits avec Ico, Fumito Ueda nous livre encore une fois un jeu à l'ambiance unique et envoûtante.

Sur un sentier au bord d'une falaise, un cavalier avance, transportant la dépouille inerte d'une jeune fille vêtue de blanc. Après avoir franchi de nombreux kilomètres, il arrive devant un passage étroit débouchant sur une immense vallée encastrée d'une ceinture alpine infranchissable. Face à lui, un pont interminable mène à un sanctuaire, dans lequel il pénètre. Après avoir déposé sur l'autel, le corps sans vie de celle qu'on imagine être sa fiancée, un esprit du nom de Dormin s'adresse à notre héros. Il lui propose un marché : si notre héros détruit les colosses errant dans cette contrée désertique, il pourra alors ramener sa bien-aimée à la vie...

Suite à cette énigmatique séquence d'ouverture, le jeu démarre. Vous prenez le contrôle du héros. Après avoir enfourché votre cheval, répondant au nom de Agro, vous commencez à traverser la plaine. En levant votre épée sacrée au soleil, vous déterminez la direction à suivre, les rayons lumineux refletés par votre arme se concentrant là où se situe votre prochain adversaire. Vous arrivez au pied d'une falaise. En l'escaladant, vous découvrez ainsi l'éventail d'actions à votre disposition : sauter, s'aggriper, se propulser vers une paroi en face, faire des roulades... Vous n'avez pas grand chose à envier au héros de Prince of Persia !

Alors que vous arrivez au sommet, un grondement sourd se fait entendre tandis qu'un pied immense entre soudainement dans votre champ de vision. Vous venez de rencontrer votre premier colosse. Lui ne vous a pas encore vu. En levant l'épée, les rayons du soleil vous indiquent où se situent ses points faibles. Une fois ceux-ci repérés, vous pouvez vous élancer vers le talon du géant, à partir duquel vous allez devoir remonter jusqu'à la tête...


Avec Shadow of the Colossus, le jeu vidéo atteint son concept le plus épuré. En premier lieu, l'histoire est réduite à son strict minimum émotionnel. Au cours du jeu, vous n'aurez guère plus d'informations sur les circonstances ayant amené le héros en ce lieu que celles contenues dans le résumé ouvrant cette critique. A partir de là, l'identification avec le personnage fonctionne énormément, puisque chaque joueur réagit de manière personnelle au pacte faustien proposé par Dormin. Tuer les colosses, oui, mais pour quelle raison ? Uniquement ramener votre bien-aimée d'entre les morts. Et quel est le prix à payer ? Le meurtre de colosses ancestraux, dont vous ignorez la nature exacte. bien que tout laisse à penser qu'ils sont des gardiens protecteurs. Alors, joueur, es-tu prêt à vendre ton âme ? Chacun fera son choix. A titre d'exemple, Aurélia a décidé de ne pas y jouer, après avoir assisté à la mise à mort du premier colosse, le côté tragique de sa chute étant de plus appuyé par une musique triste et nostalgique.

Par contre, si comme moi, vous décidez de poursuivre l'aventure, sachez que vous risquez l'immersion totale dans un monde à l'ambiance magnifique. Avec ce concept, Fumito Ueda touche à l'essence même du jeu vidéo, l'univers de Shadow of the Colossus faisant preuve d'un sens de l'épure incomparable. Tout d'abord, le concept des colosses lui-même synthétise une grande partie des jeux vidéo. Ici, l'exploration, assez sommaire, se résume à traverser des étendues immenses et variées afin de débusquer votre prochain adversaire. Fini, la structure niveaux/ennemis/boss. Ici, le colosse est tout cela à la fois, puisque le jeu peut se résumer au schéma suivant : localiser le colosse dans un des recoins de l'immense plaine, trouver son point faible, l'escalader pour atteindre son centre vital et le vaincre. Enoncé ainsi, cela peut sembler limité, et c'est pourtant tout ce qui fait la magie du jeu.


Les chevauchées uniquement rythmées par les galops d'Agro permettent l'immersion dans l'univers, précédant la fascination liée à la découverte des antres des colosses, toutes à l'architecture plus magnifique les unes que les autres. La PS2 est poussé dans ses retranchements techniques pour nous livrer une aire de jeu immense constituée d'une seule et unique zone (pas de temps de chargement entre les différents lieux), offrant, qui plus est, une profondeur de champ inédite, permettant de voir chaque élément du décor depuis des distances extrèmement éloignées.

Baigné d'une lumière cotonneuse, bercé par les compositions de Kô Otani (Ailes Grises), laissez vous tenter par l'invitation de Shadow of the Colossus à vivre des luttes homériques dans un univers d'une poésie inouïe.

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