lundi, juillet 18, 2005

Charlie et la chocolaterie (Tim Burton, 2005)

Samedi après-midi, j'ai donc vu Charlie et la Chocolaterie, le nouveau Tim Burton, qui il n'y pas encore si longtemps faisait partie de ces rares réalisateurs (parmi lesquels David Lynch, Tsui Hark, John Woo, Quentin Tarantino, ...), dont le moindre projet créait chez moi l'envie et l'impatience. Depuis La Planète des Singes, mon engouement s'est amoindri, et autant auparavant j'étais sûr à chaque fois d'en sortir émerveillé, autant hier j'ai appréhendé Big Fish et aujourd'hui l'adaptation du livre de Roald Dahl. En rentrant dans la salle, je suis tiraillé entre un a-priori négatif(suite à l'avis d'Olivier qui y voit le pire film de Burton) et l'espoir de retrouver un peu de la magie d'autrefois (l'enthousiasme par blog interposé de Mademoiselle Clara). En sortant de la salle, mes sentiments sont mitigés, d'où la prise de temps de deux jours pour digérer le film et me forger un avis.

Toute la première partie, avec la chasse au ticket est extrèmement bien traitée. On retrouve un Burton en grande forme et pendant un moment, j'ose espérer voir le film du renouveau. Le personnage de Charlie et de sa famille, de par leur pauvreté et leur bonté, possèdent la marginalité par rapport à la société qui faisait le charme du héros burtonien (de Batman à La Planète des Singes). A l'opposé, les autres gagnants du jeu de Willy Wonka, possèdant des traits de caractère insupportables, laissent espérer une fustigation de leurs défauts des plus inventives. De plus, la présence de la neige et de leur maison tordue, qu'on croirait tout droit sortie du Cabinet du Docteur Caligari (dont il était question d'un remake par Tim Burton il y a une paire d'années), renvoie à l'imagerie générale de ses plus beaux chefs-d'oeuvre (Edward aux Mains d'Argent, Batman Le Défi et l'Etrange Noël de Monsieur Jack).

Puis, arrive le moment de la visite de la chocolaterie. À partir de là, le film rentre dans une esthétique plus kitsch et coloré, mais qui s'intègre plutôt bien à l'univers de Burton. Johnny Depp incarne de manière convaincante un Willy Wonka excentrique. L'acteur prétend s'être en partie inspiré de Marilyn Manson, mais c'est malheureusement l'image du "King of the Pop"qui nous vient à l'esprit. Peut-être est-ce lié à la récente actualité, mais le visage blanchi, la "naïveté" enfantine et le misanthropisme du personnage évoquent irrésistiblement Michael Jackson. Au niveau bande originale, Danny Elfman livre une partition assez réussie, émaillé de plusieurs chansons (sur des paroles de Roald Dahl) qui ne sont pas sans rappeller par les instruments utilisés dans sa période "Oingo Boingo".

Malheureusement, c'est également à partir de la chocolaterie, qu'apparaissent tous les défauts du film. Mon premier regret concerne tous les numéros musicaux, où un des enfants se fait éliminer de la course au prix. Si les musiques d'Elfman sont réussies, on peut pas en dire de même de la représentation visuelle des scènes avec les Oompa-loompa , qui manquent quelque peu d'inventivité, en plus de faire preuve d'un sadisme un petit peu trop prononcé. Surtout que les défauts des enfants ont été suffisament mis en avant dans la première partie, et que ces scènes auraient donc gagné à être enrichies en faisant déborder de folie les Oompa-loompa.

Une autre séquence qui m'a dérangée est celle de la salle où Mike Teevea se fait éliminer. Si la scène est plutôt réussie, je ne comprends absolument pas l'intérêt de faire référence à 2001, l'Odyssée de l'Espace en en collant des images à tire-larigot. Si quelqu'un a une explication à proposer, je suis preneur.

Mais, surtout, ce qui pour moi en fait un film décevant, au même titre que Big Fish, c'est qu'une fois de plus, Tim Burton s'éloigne de la thématique qui lui était chère dans ses oeuvres antérieures. En effet, jusqu'à La Planète des Singes inclus, tous ses films pouvait se ramener au schéma suivant : un personnage marginal commence à s'ouvrir au monde et à chercher à faire exister ses rêves, mais incompris, il retourne finalement dans son cocon initial, tout en ayant conservé des liens forts avec les gens rencontrés dans son aventure. À travers ces lignes, on peut lire en filigrane l'histoire du réalisateur, enfant solitaire de Burbank, ayant du mal à s'intégrer, et qui finalement y parviendra à l'aide de ses films. A la différence que Tim Burton ne s'est pas "heurté" au monde, mais au contraire est devenu un réalisateur unaniment reconnu, enchaînant les succés critiques et publiques.

Aujourd'hui, on serait presque tenté de dire que le personnage de Willy Wonka est un reflet du Tim Burton actuel. Génie touche-à-tout, dont le style a d'ailleurs été pas mal recopié, Tim Burton est confronté aujourd'hui à une crise personnelle. Et à travers la séance de psychanalyse de Willy Wonka par un Oompa-loompa, on serait presque tenté d'entendre non pas "mes confiseries sont nulles" mais "mes films sont nuls parce que je me sens nul".

A posteriori, cela nous amène à distinguer trois époques dans la filmographie de Burton, liées à chaque fois à sa situation personnelle. Tout d'abord, de Pee Wee's Big Adventure à Ed Wood, Burton s'identifie à ses héros marginaux et livre tous ses chefs d'oeuvre. Puis, suite à sa rencontre avec Lisa Marie, ses films (de Mars Attacks! à La Planète des Singes) deviennent moins mélancoliques, mais encore réussis. Enfin, après sa rupture avec Lisa Marie, Tim Burton rencontre Helena Bonham Carter et commence à fonder une famille. Sur le point de devenir père, et ayant perdu le sien récemment, Tim Burton travaille le thême de la paternité dans Big Fish. A travers ce film, Burton commence à inverser la tendance par rapport à ses précédents films, puisqu'à travers les enquêtes du fils, c'est la marginalité du père qui est finalement absorbé dans la réalité quotidienne. Ce que l'on retrouve également dans la relation entre Willy Wonka et son père, puisque c'est avant toute chose l'acceptation paternelle de sa marginalité (et donc la perte de celle-ci) que cherche à obtenir le chocolatier.

Finalement, à travers les diverses sentences de Willy Wonka sur l'utilité de la famille, on est tenté de penser que Burton, devenu chef de famille, semble regretter l'époque où il se considérait comme un "freak" incompris et que chaque film est maintenant pour lui l'occasion d'essayer de mêler ses nouvelles considérations familiales avec ses anciennes obsessions. Ce mariage difficile à réaliser trouvera-t'il une heureuse conclusion dans les futures Noces Funèbres ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Aaaaah ! je l'attendais ta critique de Charlie et la chocolaterie... Je m'étais dit que si tu adorais le film, je m'aurai fait un sepukku des familles aussi sec. :D Pour en revenir à Charlie, j'en ai longuement parlé sur des forums, notamment avec des gens qui aiment et je suis rapidement arrivé à une conclusion. Charlie aurait pu être un film fait par n'importe quel autre réalisateur, non ? Je ne trouve pas ce film meilleur qu'un Grinch ou un Chat Chapeauté malheureusement. Ensuite, je trouve que le film s'enfonce dans un méchant systématisme à partir de la visite de l'usine qui devient : découverte d'une partie de l'usine --> Chanson --> disparition d'un môme --> flashback de Willy Wonka et ainsi de suite jusqu'à la fin. C'est quoi cette tranche de fainéantisme là ? Bref... Et un tas d'autre détail me turlupine. La plus ou moins longue introduction avec l'enfant pauvre pour finalement complétement le mettre à l'écart jusqu'à la dernière partie du film. Tout ça pour switcher de manière assez désastreuse sur Willy Wonka qui devient le personnage principal du film (il l'a toujours été de toute façon). On m'a dit que j'avais une pensée un peu académique vis-à-vis de ça, mais je trouve que du coup, on ne s'attache à rien, et on regarde ça comme une vulgaire ballade dans un parc d'attractions. Surtout que je trouve le développement du personnage foireux, et ça c'est la faute au scénario et son systématisme. Ah dieu sait que j'ai essayé d'y croire chaque seconde, mais non c'était vraiment pas possible ! Au moins la musique, j'aime beaucoup excepté les chansons. Y a un esprit oingo boingo en effet, mais bof bof quoi. J'adore le main title aussi, mais je le trouve à côté de la plaque sur le générique de début loupé avec ces cgi à deux francs (rendez-nous les machines inventés par le personnage de Vincent Price dans edward scissorhands). Il est carrément bien bourrin et quand le film s'ouvre sur ça, tu t'attends à quelque chose de plus soutenu et vraiment barré. D'ailleurs, c'est de la vraie folie visuelle qu'il manque ici. On est très loin de Beetlejuice ou Pee Wee, qui restaient relativement kitsch aussi. Tim, reviens ! J'ai les mêmes à la maison !!!
19 juillet 15:13

Anonyme a dit…

Merci David pour les coms que t'as laissé sur mon blog; c'est cool de partager des avis sur des films; j'aime trop! Pas encore vu Charlie et la chocolaterie mais ça ne vas pas tarder, on en reparlera!! allé a+
24 juillet 20:48

Anonyme a dit…

salut juste pour info charlie est l'adaptation d'un bouquin. Tim Burton reste complétement fidéle a l'oeuvre, tt la trame du film est la mm que le bouquin hormis qu'il s'attarde un peu plus sur la vie de W WONKA. Le cynisme et la méchanceté tienent une place importante dans l'oeuvre originale ms aprés si vous préférez la version édulcoré de Disney ce que certainement, soit vous ne connaissez pas soit vous n'amez le bouquin car c'est une excellente adaptation, que seul BURTON pouvait faire. ensuite pour finir avec Charlie, l' aspect pédophile de Wonka est inexistante ds la VO c'est la VF qui dénature tt. De plus tt les personnages de Burton sont des marginaux mais de façon plus complexe. Tout réalisateurs évoluer avec les années, explore de nouvelles choses et c'est normal que son cinéma suive est c'est mm plus que nessécaire sinon ce serait ennuyeux, et on ne peut pas reprocher a Burton de "grandir" ! Pour conclure, Charlie et la chocolaterie est un trés bon Burton !
6 août 02:52

Anonyme a dit…

En réponse à Domino_5091 Pour info, je sais très bien qu'il s'agit de l'adaptation d'un livre de Roald Dahl et, effectivement, Tim Burton est fidèle à l'oeuvre. Maintenant, est-ce que fidélité est forcément gage de qualité. Pour reprendre les propos de Gilles Deleuze concernant deux adaptations cinématographiques de L'Idiot de Dostoievski, celle réalisée par George Lampin en 1946 est la plus fidèle, mais reste nettement moins intéressante et réussie que celle d'Akira Kurosawa, qui transpose réellement l'histoire en termes cinématographiques quand la première faisait plus penser à du théâtre filmé. Toutefois, le problème ne se pose pas vraiment pour le film de Burton, car je ne remets pas forcément en cause le travail d'adaptation dans mon billet. Concernant le cynisme et la méchanceté, je n'ai rien contre et ce n'est pas ce qui me dérange le plus. Non, ce qui m'ennuie en fait, c'est qu'une fois rentré dans la chocolaterie, le développement du personnage de Charlie soit abandonné uniquement au profit d'un jeu de massacre, où chaque enfant tombe dans le piège qui lui est destiné. Personnellement, au bout de deux fois, je suis un peu lassé. Et ce ne sont pas les petites insinuations sur le trauma de Willy Wonka, prévisible dix bobines en avance, qui relancent l'intérêt. En parlant d'adaptation Disney, je pense que tu fais référence à celle de 1971 par Mel Stuart, avec Gene Wilder en Willy Wonka. Je ne l'ai pas vu, mais d'après ce que j'ai pu lire sur les différents forums, je ne suis pas sûr qu'elle soit si édulcorée que cela, et ne possède pas, tout comme celle de Burton, un autre discours sous le simple aspect film pour enfants. J'ai vu Charlie et la Chocolaterie en V.O. (comme 99% des films que je vois) et je t'assure que l'aspect pédophile de Wonka y est également présent (remate la bande-annonce si nécessaire) même s'il n'est pas improbable que la V.F renforce encore plus cet aspect. Maintenant il est vrai que tout réalisateur évolue et je ne peux pas reprocher à Burton de grandir. Malheureusement, ses films actuels me semblent moins réussis que ceux des débuts, pour les raisons énoncés dans mon article. Il semblerait que beaucoup de gens apprécient Charlie et la Chocolaterie et le considèrent comme un Burton majeur. Tant mieux pour eux. De mon côté, je suis une fois de plus déçu, mais j'avoue attendre avec impatience les Noces Funèbres, pour lequel j'ai beaucoup plus d'espoir au vu de la bande-annonce. Merci beaucoup d'avoir laissé un commentaire qui ne se contente pas de dire "moi j'ai bien aimé". Cela permet d'enrichir le débat. A très bientôt sur ton blog.
6 août 12:30