jeudi, mars 06, 2008

Be Kind Rewind

A Passaic, petite ville du New Jersey, le vidéoclub de Monsieur Fletcher (Danny Glover) est un vestige du passé, aussi bien par son maintien au format VHS, que par son statut de musée de la légende locale du jazz, Fats Waller. Aussi, quand la mairie menace de démolir le bâtiment, M. Fletcher laisse la garde de sa boutique à Mike (Mos Def) et Jerry (Jack Black). Tout irait pour le mieux, si suite à un incident électrique, Jerry ne s'était retrouvé magnétisé et n'avait du coup effacé toutes les cassettes de la boutique. Les deux comparses décident alors de retourner leurs versions des films démagnétisés, afin de satisfaire la clientèle...

Suite à une promotion internet très réussie (allez jeter un coup d'oeil au site officiel), on peut dire que le nouveau film de Michel Gondry était attendu au tournant. Avec un concept original, où deux potes tournent des remakes bon marché de succès hollywoodiens, on pouvait s'attendre à une comédie fraîchement déjantée, où les pastiches (pardon, les versions suédées) de films célèbres remakés avec des bouts de ficelle, nous laisseraient morts de rire. Et bien, c'est effectivement le cas, mais n'est finalement pas le principal intérêt du film.

Ainsi, Gondry évite magistralement l'écueil du simple catalogue de parodies (que vous pourrez d'ailleurs apprécier quand même en cliquant ici) en développant des personnages attachants et extrèmement touchants. Ces laissés-pour-compte d'un quartier en détresse se réapproprient des éléments de la culture populaire en les réinterprétant à leur manière. Jusqu'au dernier tiers du film, où c'est une ville entière qui témoigne de son histoire et sa légende, à travers le cinéma, pour s'inventer un futur commun(autaire).

Pour arriver à leurs fins, nos deux apprentis metteurs en scène rivalisent d'ingéniosité et de débrouillardise, pour réaliser leurs chefs-d'oeuvre. Il y a dans ces versions suédées, au moins une idée par plan, touchant à la fois par son amateurisme et son ingéniosité. Michel Gondry, revient ici aux sources du cinéma de Méliès, quand la création filmique relevait avant tout du bricolage, tout en nous livrant par moment certains secrets de fabrication de son oeuvre clipesque et filmique.

Be Kind Rewind semble surtout dresser un état des lieux de la situation du cinéma actuel. Le film renvoie nostalgiquement à une certaine époque du cinéma (les années 80) où, pour certains quartiers éloignés des salles obscures, les films ne se partageaient plus tant dans les salles, que chez soi, à plusieurs, autour d'une VHS louée pour la soirée au vidéo-club du coin. Où le film que vous aviez loué était, soit celui que vous attendiez depuis plusieurs semaines, soit un obscur chef d'oeuvre ou nanar oublié conseillé par le vendeur. Et où à la fin du film, chacun donnait son avis sur le moment partagé. Aujourd'hui, alors que M. Fletcher espionne ses concurrents, il constate que les loueurs ne sont plus passionnés et les linéaires peu achalandés. Michel Gondry attaque une certaine forme de conception du cinéma, où les produits sont standardisés et vite oubliés destinés à être consommé de manière isolé en DVD.

Heureusement, Be Kind Rewind n'est pas pessimiste et le magnifique final laisse entrevoir la possibilité de concevoir à nouveau le cinéma, ni comme un art, ni comme une industrie, mais comme un artisanat où chacun est à la fois acteur et spectateur. Comme le dit le personnage de Mia Farrow, "c'est rare, un film avec un coeur et une âme". Be Kind Rewind est une de ces perles.

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