mardi, novembre 13, 2007

Les Promesses de l'Ombre

Depuis A History of Violence, David Cronenberg aborde un tournant dans sa carrière. Il semblerait qu'une nouvelle période de sa filmographie, entamée sous le signe du polar, doive succéder à ses précédents opus plus "organiques". Aujourd'hui, Les Promesses de l'ombre confirme ce virage.

Anna, sage-femme, (Naomi Watts) enquête sur une jeune femme inconnue décédée au cours de l'accouchement, afin de retrouver la famille du nouveau-né. Très rapidement, son enquête va l'amener à découvrir le monde des mafieux, parmi lesquels un mystérieux homme de main, Nikolaï (Viggo Mortensen)...

A travers l'enquête menée par Anna, d'une part, et l'ascension de Nikolaï, d'autre part, Cronenberg dissèque le fonctionnement de la mafia russe, rarement représentée au cinéma (seul l'excellent Little Odessa de James Gray me revient en mémoire). Un milieu, qui malgrè sa notoriété, reste discret, grâce à un habile travail de couverture. Ainsi, comment se douter que Semyon (Armin Muelle-Stahl), affable restaurateur russe ayant connu le père d'Anna, se révélera par la suite un caïd cruel et impitoyable. C'est tout ce jeu de faux-semblants que Cronenberg observe dans un premier temps.

C'est dans la même optique que Viggo Mortensen livre avec le personnage de Nikolaï une de ses meilleures performances. Ce mystérieux chauffeur se révèle être un homme de main sanguinaire. Mais ce n'est là qu'un des aspects d'un personnage extrêmement ambigu et riche, qui, pour être analysé totalement, m'obligerait à révéler une intrigue plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Mortensen est formidable, dans sa capacité à livrer toutes les facettes de Nikolaï, et à laisser planer une ambiguité totale sur son personnage, si bien qu'à la fin, le spectateur cherchera encore à savoir qui il est. Simple truand en quête de pouvoir ? Un homme à la recherche de vengeance envers une mafia qui aurait détruit sa famille ? Tout cela à la fois ?

Après A History of Violence, le réalisateur canadien continue d'explorer les collusions entre famille et violence, ou comment les liens du sang impliquent de faire couler le sang. Et c'est dans ces moments là, notamment lors d'une scène anthologique de combat dans un hammam, que Cronenberg établit le lien avec ses précédents films. Ainsi, auparavant l'homme faisait évoluer sa nature au contact de corps étrangers organiques ou mécaniques, son humanité est maintenant confronté à la société et à sa violence. On pourrait presque lire dans ce film une réflexion sur la mondialisation, à travers d'une part, cette traite des femmes blanches soviétique humiliées et exploitées, mais aussi à travers ces mafieux à qui on demande de quitter toute attache pour se mettre au service de l'entreprise, ici l'organisation mafieuse.

Alors que certains accusent Cronenberg de se vendre de plus en plus à Hollywood en livrant des films plus "classiques", on peut leur rétorquer que si l'habit est plus conventionnel, le fond des sujets et leur traitement est aussi rigoureux qu'auparavant.

Radical, clinique et obsédant, Les Promesses de l'ombre est un film noir extrêmement réussi. Cronenberg prend le temps de poser un univers réaliste, où les faux-semblants sont légion, révélant avec une approche quasi-documentaire, le monde de la mafia russe londonienne. Un classique instantané qui hante longtemps après la projection.

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