
Dimanche soir. Les résultats sont là. La démocratie a fonctionné, le score est incontestable, le peuple a parlé. Je ne partage pas l'opinion de la majorité, mais je veux croire au système. Déception, tristesse, acceptation. Les trois phases se succèdent rapidement. Mais acceptation ne veut pas dire renoncement. Il faut rester vigilant. Surveiller les écarts. Être prêt à tirer la sonnette d'alarme quand cela sera nécessaire.
Dimanche 20h02. Ségolène fait sa déclaration. Souriante, jusque dans la défaite. Certains trouveront cela niais. Personnellement, je trouve cela noble. Mon coeur se joint à la foule qui la remercie. Merci d'avoir soutenu nos valeurs et d'avoir donné l'espoir face à la machine implacable de l'UMP. Merci d'avoir laissé entrevoir la possibilité d'une femme présidente. Merci, surtout, de nous avoir fait croire que la politique peut être encore humaine, quand la droite ne nous propose qu'un chef d'entreprise, qui ne semble penser qu'en chiffres.
Au passage, notons qu'il fallait zapper de TF1 à France 2 pour voir la déclaration de Mme Royal en intégralité, la première chaîne préférant rapidement passer le micro à François Fillon. Normal, me direz-vous.
Lundi, à l'école, le temps est gris. "On se croirait un jour de deuil" me fera remarquer une étudiante. Un autre m'avouera être entré en guerre depuis hier soir. Son arme : sa caméra. Son but : témoigner pendant les cinq années à venir dans l'espoir d'ouvrir les yeux à certains.
Sa première séquence forte, il l'a filmée dimanche soir, place de la Concorde. Alors que la foule en liesse attend une déclaration du futur président, le visage de Ségolène Royal, qui apparaît à ce moment sur l'écran géant, se fait huer et siffler. Normal, me direz vous. Mais, juste après, alors qu'apparaît le visage de Jean-Marie Le Pen, le foule se calme et très rapidement s'installe un silence respectueux. Normal, me direz vous ?
En rentrant du boulot, plusieurs kiosques affichent la couverture du Point. Je n'arrive pas à dire précisément pourquoi, mais la photo en couverture me fait vraiment froid dans le dos. Et vous ?
Pour nous changer les idées, Aurélia et moi décidons d'aller voir Clerks II. Mais, quelques secondes après être sorti, quelque chose nous frappe. Les sirènes de police, toujours très présentes dans Paris, semblent plus nombreuses et fréquentes. En passant devant l'immeuble voisin, le concierge peste après quelqu'un qui, semble-t'il a brisé la vitre de la porte d'entrée. En descendant l'avenue Parmentier, la plupart des deux-roues sont à terre et de nombreuses vitrines de banques et de commerces sont recouvertes de point d'impact, quand elles ne sont pas totalement brisées. Bizarrement, les grossistes en textile asiatiques semblent avoir été épargnés. Au loin, quatre cars de police attendent au croisement du boulevard Voltaire et de la rue de la Roquette, tandis que des groupes de jeunes, éparpillés sur la place Léon Blum, semblent guetter en direction de l'avenue Ledru-Rollin.
Malgrè la curiosité, Aurélia et moi sommes finalement descendus dans le métro afin d'aller au cinéma. Trois heures plus tard, en rentrant, le site internet du Monde nous apprendra qu'il s'agissait d'une
manifestation anti-sarkozy à Bastille ayant dégénéré. Ce matin, à l'heure où j'écris ces lignes, tout est calme. Mais je ne peux m'empêcher de repenser à l'ambiance électrique qui flottait dans l'air hier soir : une tempête approche ?